À l’occasion de la publication du rapport d’activité 2021 de l’Agence, Guillaume Martin, coureur cycliste de l’équipe Cofidis, 8e du Tour de France 2021, a évoqué son éducation à l’antidopage et sa vision de l’équité sportive.

L’Agence mondiale antidopage défend le principe selon lequel la première expérience d’un sportif avec l’antidopage doit passer par l’éducation et non par un contrôle. Quel fut votre premier contact avec l’antidopage ?

« J’ai eu mon premier contrôle antidopage à 17 ans, lorsque j’étais encore en junior. J’avais été surpris car c’était sur un championnat de  Normandie et pas sur un championnat de France. J’avais terminé 2e et les 3 premiers avaient été contrôlés. Mais ce n’était pas mon premier contact avec l’antidopage car on avait déjà été sensibilisés à l’occasion d’un stage avec le comité régional ou départemental de la FFC. Plus tard, chez les amateurs, à mes débuts dans l’équipe Sojasun espoir, j’ai aussi souvenir d’avoir bénéficié d’une intervention sur les valeurs éthiques du sport et sur l’antidopage et d’avoir notamment été alerté sur l’existence de la barre de recherche sur le site de l’AFLD pour vérifier si un médicament contient ou non une substance interdite. C’est d’ailleurs une fonction que j’utilise toujours aujourd’hui ! J’ai donc reçu une éducation à l’antidopage assez jeune et je peux dire que dans mon cas les messages sont bien passés puisque cela m’a permis d’adopter très tôt les bons réflexes. En parallèle, je crois aussi beaucoup aux vertus éducatives des contrôles chez les jeunes comme j’ai pu le vivre à 17 ans.

Les programmes d’éducation mettent désormais davantage en avant les valeurs du sport propre que la notion d’antidopage. Quel sens a pour vous ce changement sémantique ?

Quand on parle uniquement d’antidopage, on se limite à un côté strictement répressif et vertical alors que quand on met en avant le sport propre on fait davantage appel à l’intelligence et à la responsabilisation des athlètes. La question du dopage dépasse le cadre des substances autorisées ou interdites. Le respect de la liste des interdictions de l’Agence mondiale antidopage est une condition nécessaire mais pas suffisante. L’athlète doit se construire une éthique par rapport au détournement de médicament qui ne sont pas interdits légalement mais qui sont contraires à l’éthique.

Les messages de prévention mélangent des alertes sur les conséquences du dopage (effets sur la santé, effets socio-économiques…) et une sensibilisation à l’équité sportive. Quel est le levier le plus efficace selon vous ?

Les critères d’équité sportive sont pour moi les plus déterminants pour refuser strictement toute pratique dopante. À l’inverse, les arguments en faveur du sport santé peuvent être contournés pour justifier le dopage car je ne suis pas convaincu que le sport de très haut niveau soit très bon pour la santé. Certains coureurs peuvent s’autopersuader qu’ils ont besoin de prendre des substances pour avoir moins mal quand ils poussent leur corps dans ses derniers retranchements. Le dopage leur permettrait alors de soulager leur organisme et de moins abîmer leur santé… Ce genre de raisonnement les assure et les rassure psychologiquement dans leur tricherie. Les dopés sont très forts pour construire ce type de discours.

Le public a-t-il selon vous une juste perception des exigences demandées pour atteindre le haut niveau ou les affaires de dopage ont-elles tendance à banaliser voire à minimiser l’exploit sportif ?

Dans le cyclisme, on est obligé de vivre avec cette perception à cause du passé. Il est ancré dans l’imaginaire collectif que les cyclistes sont tous dopés. On entend depuis plus de 20 ans qu’il est impossible de monter les cols aussi vite sans prendre des produits interdits. Lutter contre ces idées reçues, c’est comme lutter contre les théories du complot. Il y a un proverbe qui dit « Qui est le plus fou, celui qui est fou ou celui qui cherche à raisonner le fou ? » Quand on tente de débattre avec des personnes qui sont convaincues d’une chose, ils ont toujours un contre-argument et la discussion s’épuise vite. Ma position c’est alors plutôt de les ignorer. C’est triste car c’est une forme de renoncement. Mais il y a tellement de sportifs qui nous ont menti la main sur le coeur… »